Qu’est-ce qu’un électrocarburant et comment est-il produit ?
Les électrocarburants, également appelés e-carburants ou efuels, sont des carburants synthétiques produits à partir d’électricité renouvelable. Contrairement aux carburants fossiles, ils ne nécessitent pas l’extraction de ressources naturelles limitées. Leur fabrication repose sur un procédé de conversion de l’électricité verte (typiquement solaire ou éolienne) en carburant liquide ou gazeux utilisable dans les moteurs thermiques traditionnels.
La production d’un électrocarburant suit généralement trois étapes clés :
- La production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, une opération alimentée par de l’énergie solaire ou éolienne.
- La captation du gaz carbonique (CO₂) dans l’atmosphère ou à la sortie d’installations industrielles.
- La synthèse du carburant par réaction chimique entre l’hydrogène et le CO₂, permettant la création d’hydrocarbures liquides (e-diesel, e-kérosène) ou gazeux (méthane de synthèse).
Dès lors, l’e-carburant peut être utilisé dans les infrastructures existantes, tant pour les véhicules particuliers que pour les flottes de transports, les poids lourds ou encore les avions.
Pourquoi l’énergie solaire est essentielle à la production d’électrocarburants ?
Parmi les sources d’électricité renouvelable, le solaire photovoltaïque joue un rôle de premier plan dans le développement des électrocarburants. Cette forme d’énergie est non seulement abondante et durable, mais elle est également de plus en plus accessible à mesure que les coûts des panneaux solaires diminuent et que le rendement technologique s’améliore.
L’avantage principal réside dans la décarbonation intégrale du cycle de production de carburants : lorsque l’électrolyse de l’eau est réalisée uniquement avec de l’électricité solaire, les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la fabrication de l’e-carburant sont quasi nulles. Cela permet de fermer le cycle carbone : le CO₂ rejeté lors de la combustion est équivalent à celui capté lors de la fabrication, assurant ainsi une boucle neutre en carbone.
Une alternative concrète pour la mobilité automobile ?
Dans un contexte de transition énergétique appliquée au secteur des transports, les électrocarburants offrent une voie complémentaire à l’électrification directe des véhicules. En effet, certaines applications, comme les voitures thermiques existantes, les transports lourds ou de longue distance (camions, avions, navires), présentent des limitations techniques ou économiques à la conversion totale vers l’électrique à batterie.
Les électrocarburants permettent donc de maintenir l’usage de véhicules et d’infrastructures actuels, tout en réduisant significativement les émissions de GES du secteur. D’un point de vue pratique :
- Ils sont compatibles avec les moteurs à combustion interne actuels, sans nécessiter de modifications majeures.
- Ils s’intègrent à la logistique existante de distribution de carburant, évitant des investissements lourds dans de nouvelles infrastructures.
- Ils garantissent une densité énergétique élevée, utile en particulier dans les segments de transport qui exigent une grande autonomie.
Ainsi, pour les conducteurs de véhicules thermiques ne souhaitant ou ne pouvant pas encore passer à l’électrique, les e-carburants apportent une solution de décarbonation immédiate et efficace.
Les défis technologiques et économiques à surmonter
Malgré leurs nombreux avantages, les électrocarburants sont encore à un stade de développement pré-commercial. Plusieurs freins subsistent :
- Le rendement énergétique faible du cycle complet, de la production à l’utilisation. Une grande quantité d’énergie solaire est nécessaire pour produire une seule unité de carburant.
- Le coût de production élevé, qui dépasse encore largement celui des carburants fossiles ou même de certaines alternatives comme le biogaz.
- La disponibilité limitée d’électricité renouvelable excédentaire, qui représente un enjeu majeur pour le passage à l’échelle industrielle.
Ces défis nécessitent des investissements massifs en R&D, ainsi qu’une coopération constante entre gouvernements, entreprises énergétiques, constructeurs automobiles et institutions de recherche. Seules des économies d’échelle, couplées à des innovations technologiques, permettront la baisse des coûts et le développement massif de cette solution.
L’implication des pouvoirs publics et des institutions européennes
Les institutions gouvernementales jouent un rôle crucial dans la propension des électrocarburants à devenir une alternative crédible. L’Union européenne, dans le cadre de son plan Fit for 55, a par exemple envisagé l’intégration des efuels dans sa stratégie de réduction des GES dans les transports, notamment dans le secteur de l’aviation et de la marine marchande.
De nombreuses initiatives nationales ou transnationales ont vu le jour :
- Le soutien à des projets pilotes industriels, notamment en Allemagne, en Espagne et dans les pays nordiques.
- La mise en place de quotas d’incorporation d’e-carburants dans les carburants traditionnels, favorisant leur introduction progressive sur le marché.
- Des incitations fiscales et subventions pour soutenir les producteurs et réduire les coûts pour les utilisateurs finaux.
Ces efforts reflètent une volonté politique de diversifier les solutions de mobilité bas carbone au-delà de l’électrification directe, en valorisant les synergies entre les technologies émergentes et les sources d’énergies renouvelables.
Vers une transition énergétique multisectorielle
Le véritable potentiel des électrocarburants issus d’énergie solaire réside dans leur capacité à faciliter une transition énergétique systémique : en intégrant plusieurs secteurs – production énergétique, industrie, transport – dans un même schéma d’économie circulaire décarbonée.
Ils peuvent notamment jouer un rôle de vecteur de stockage de l’énergie solaire, permettant de lisser la production intermittente et de valoriser les surplus. En transformant l’électricité solaire excédentaire en énergie chimique stable et transportable, les efuels peuvent contribuer à renforcer la résilience et l’efficacité des réseaux énergétiques, tout en décarbonant les segments réfractaires à l’électrification directe.
Leur déploiement intelligent, conjugué à celui des biocarburants, de l’hydrogène vert et des batteries, permettra d’esquisser un véritable écosystème énergétique durable. Le secteur automobile a ici un levier majeur de transformation, pour peu que l’innovation et la volonté collective persistent à accompagner ces solutions vers une maturité industrielle.