Quel avenir pour les carburants écologiques dans le secteur ferroviaire ?

Les enjeux de la décarbonation du transport ferroviaire

Face à l’urgence climatique, le secteur des transports fait l’objet d’une attention croissante en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si le rail est souvent perçu comme l’un des modes de transport les plus écologiques, il repose encore, dans de nombreux pays, sur des locomotives thermiques alimentées par des carburants fossiles. En l’absence de lignes électrifiées partout sur le réseau, et compte tenu des enjeux financiers liés à l’électrification complète, les carburants écologiques apparaissent comme une alternative prometteuse et pragmatique pour accélérer la transition énergétique dans le ferroviaire.

Les carburants écologiques désignent l’ensemble des combustibles produits à partir de ressources renouvelables et dont le cycle de vie présente une empreinte carbone significativement réduite par rapport aux carburants classiques. Parmi eux, le biogaz, les biocarburants de deuxième génération ou encore l’hydrogène vert suscitent un intérêt croissant dans les stratégies de mobilité durable.

Panorama des carburants écologiques adaptés au rail

Dans le cadre ferroviaire, tous les carburants alternatifs ne présentent pas la même pertinence, tant sur le plan technologique qu’économique. Voici un aperçu des solutions actuellement à l’étude ou en déploiement :

  • Le biogaz (ou GNV/bioGNV) : Il s’agit d’un gaz renouvelable produit à partir de la méthanisation de déchets organiques (agricoles, industriels ou ménagers). Sous forme comprimée ou liquide, il peut remplacer le gazole dans des moteurs adaptés, permettant de réduire jusqu’à 80 % les émissions de CO₂ sur le cycle de vie.
  • Le biodiesel (B100) : Issu d’huiles végétales ou de résidus alimentaires, ce carburant liquide est compatible avec les moteurs diesel, après adaptation. Il offre une réduction significative de l’empreinte environnementale, tout en étant facile à stocker et à distribuer.
  • L’hydrogène vert : Produit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable, l’hydrogène peut être utilisé dans des piles à combustibles pour générer de l’électricité embarquée, n’émettant que de la vapeur d’eau. Cette technologie est particulièrement utile pour remplacer les trains diesel sur des lignes non-électrifiées.
  • Les carburants de synthèse (e-fuels) : Bien que moins matures, ils sont développés à partir de CO₂ capté et d’hydrogène renouvelable. Leur usage dans des moteurs thermiques existants pourrait représenter, à l’avenir, une solution intermédiaire entre diesel et électrification totale.
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Les avantages des carburants écologiques pour le transport ferroviaire

Les carburants écologiques présentent plusieurs avantages dans le contexte ferroviaire, notamment sur les lignes secondaires ou faiblement rentables, où l’électrification ne serait pas économiquement justifiée :

  • Réduction des émissions : Utilisés à la place du diesel, ces carburants permettent de diminuer les émissions de CO₂, de polluants atmosphériques (NOx, particules fines) et les nuisances sonores, améliorant ainsi la qualité de vie des riverains et des usagers.
  • Maintien de la performance : Les solutions comme le biogaz et le B100 sont proches, en termes de rendement énergétique, des carburants fossiles, et ne nécessitent que des adaptations limitées des moteurs existants.
  • Développement de filières locales : La production de biocarburants ou de biogaz peut être intégrée dans un circuit économique circulaire, en valorisant les déchets organiques du territoire et en créant des emplois locaux.
  • Complémentarité avec l’électrification : Les carburants écologiques sont des solutions hybrides ou transitoires qui s’inscrivent de façon complémentaire dans les politiques d’électrification progressive des lignes ferroviaires.

Exemples de projets ferroviaires intégrant des carburants alternatifs

De nombreuses expérimentations sont en cours en Europe et à travers le monde pour évaluer la faisabilité technique, économique et environnementale des carburants écologiques dans le secteur ferroviaire. Certaines ont déjà fait leurs preuves :

  • Le train hydrogène Alstom Coradia iLint : Déployé en Allemagne depuis 2018, il s’agit du premier train commercial au monde fonctionnant à l’hydrogène. Il a parcouru des milliers de kilomètres avec une autonomie de 1 000 km et des performances comparables aux trains diesel classiques.
  • Le bioGNV dans le rail régional français : Des tests sont menés, notamment en Occitanie et en Nouvelle-Aquitaine, pour équiper des autorails avec des moteurs fonctionnant au bioGNV, en collaboration avec GRDF et les collectivités territoriales.
  • Le projet européen FCH2RAIL : Financé par l’Union européenne, ce projet vise à concevoir un prototype de train bimode électrique-hydrogène, réversible entre source externe (caténaire) et pile à combustible embarquée, pour des lignes partiellement électrifiées.
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Les freins à lever pour une adoption à grande échelle

Malgré leur potentiel, les carburants écologiques ne sont pas dénués de contraintes techniques, économiques ou réglementaires qu’il convient de lever pour assurer leur démocratisation dans le secteur ferroviaire :

  • Le coût des technologies innovantes : Le développement des trains à hydrogène ou au biogaz nécessite des investissements initiaux importants, notamment pour l’adaptation du matériel roulant et la création d’infrastructures de ravitaillement spécifiques.
  • La disponibilité des ressources : La production de biogaz ou de biodiesel repose sur des matières agricoles, industrielles ou organiques limitées. Une gestion raisonnée de l’approvisionnement est indispensable pour éviter les conflits d’usage ou une pression excessive sur les sols.
  • Le cadre réglementaire : Les carburants alternatifs doivent être reconnus et soutenus au niveau institutionnel, avec des standards pour leur utilisation ferroviaire, des incitations fiscales, ainsi qu’une coordination des acteurs industriels en amont et en aval.
  • L’acceptabilité sociale : La réussite de cette transition repose aussi sur l’appui des usagers, des conducteurs et des régions. Une communication efficace sur les bénéfices environnementaux et socio-économiques est donc essentielle pour favoriser leur acceptation.

Perspectives d’évolution et rôle des institutions publiques

Les perspectives d’adoption des carburants écologiques dans le ferroviaire dépendent largement de la volonté politique, à la fois au niveau national et européen. Plusieurs signaux sont encourageants :

  • Le Pacte vert pour l’Europe prévoit la neutralité carbone du continent d’ici 2050, incluant le transport ferroviaire parmi les secteurs à décarboner en priorité.
  • En France, la Stratégie Nationale Bas-Carbone incite à réduire drastiquement l’usage de carburants fossiles d’ici 2030, ce qui encourage le recours aux carburants alternatifs dans les transports régionaux.
  • L’Agence de la transition écologique (ADEME) soutient la recherche et l’expérimentation autour des biocarburants et de l’hydrogène pour le secteur ferroviaire, tout comme d’autres agences de financement en Europe.
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À long terme, une politique volontariste, combinée à l’innovation industrielle, pourrait permettre de faire du transport ferroviaire non-électrifié un véritable laboratoire de la transition énergétique, intégrant des technologies propres, compétitives et ancrées dans les territoires.

Les carburants écologiques, bien plus qu’une solution de substitution à court terme, représentent une opportunité de repenser le transport ferroviaire dans une logique durable, intégrée et résiliente, en cohérence avec les engagements climatiques internationaux.