
Vers une transition énergétique accélérée : le cadre réglementaire européen en 2024
L’année 2024 marque une étape décisive dans la transition énergétique de l’Union européenne. Le Pacte vert pour l’Europe (Green Deal), associé au paquet législatif « Fit for 55 », pose les fondations d’une politique climatique ambitieuse visant la neutralité carbone d’ici 2050. Au cœur de cette dynamique, les carburants écologiques, tels que le biogaz, l’hydrogène vert ou encore les carburants synthétiques issus de sources renouvelables, se voient accorder une place stratégique.
Dans cet article, nous explorons en profondeur les nouvelles réglementations européennes de 2024 et leurs implications concrètes pour les acteurs de la mobilité, qu’il s’agisse de particuliers, de professionnels du transport ou d’institutions publiques. Notre objectif est de clarifier ces cadres législatifs complexes et de mettre en lumière les opportunités qu’ils représentent pour le développement des carburants écologiques.
Une refonte ambitieuse du cadre législatif
Avec l’entrée en vigueur en 2024 de plusieurs textes issus du paquet « Fit for 55 », la Commission européenne renforce son arsenal réglementaire sur le plan de la décarbonation des transports. Ces textes visent tous les maillons de la chaîne énergétique, et notamment ceux qui concernent la production, la distribution et l’usage de carburants durables.
Parmi les textes phares à retenir :
- La révision de la Directive sur les énergies renouvelables (RED III), qui impose une part minimale de carburants renouvelables dans le secteur des transports.
- Le règlement sur les infrastructures pour carburants alternatifs (AFIR), qui fixe des objectifs quantitatifs par pays pour le déploiement de stations de recharge et de ravitaillement, y compris pour le biogaz et l’hydrogène.
- L’introduction du Sustainable Fuels Aviation Initiative (ReFuelEU Aviation) et du FuelEU Maritime, deux règlements imposant aux secteurs aérien et maritime une part croissante de carburants durables.
RED III : une priorité donnée aux carburants renouvelables
La directive RED III, adoptée officiellement en 2023 et mise en œuvre progressive à partir de 2024, élève à 29 % la cible globale de consommation d’énergies renouvelables dans l’UE à l’horizon 2030. Pour le secteur des transports, elle introduit un double seuil contraignant :
- Un objectif de réduction de l’intensité des gaz à effet de serre (GES) des carburants utilisés, à hauteur de -14,5 % dès 2030.
- Une part minimale de carburants renouvelables d’origine non biologique (CRONB), tel l’e‑carburant ou l’hydrogène vert, fixée à 5,5 % d’ici 2030.
Ces exigences viennent renforcer le rôle des carburants alternatifs dans la décarbonation du transport routier et offrent des perspectives particulièrement prometteuses aux producteurs de biogaz issu de déchets organiques, de biométhane injecté dans les réseaux ou destiné à la mobilité (bioGNV).
AFIR : une logistique de la mobilité verte à l’échelle européenne
Le règlement AFIR, entré en vigueur début 2024, impose à chaque État membre de déployer un réseau minimum d’infrastructures pour le ravitaillement en carburants alternatifs. Ce texte vise principalement le développement équitable des infrastructures pour l’électricité, le bioGNV et l’hydrogène sur le réseau transeuropéen de transport (TEN-T).
Pour les carburants écologiques tels que le biogaz ou l’hydrogène, l’AFIR instaure :
- Une obligation de disposer de stations de ravitaillement en bioGNV tous les 150 km le long des axes principaux du TEN-T, d’ici 2025.
- Une couverture homogène en stations à hydrogène, accessibles aux véhicules lourds et aux autobus dans les zones urbaines et industrielles majeures dès 2030.
Ce cadre garantit non seulement des débouchés pour la production nationale et européenne de biogaz, mais aussi une visibilité renforcée pour les transporteurs professionnels cherchant à investir dans des flottes alimentées par du carburant renouvelable.
Le secteur des transports au centre des enjeux écologiques
Les transports représentent environ 25 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans l’UE. Aussi, la Commission européenne mise sur une stratégie d’électrification et de diversification des vecteurs énergétiques pour atteindre ses objectifs climatiques.
Dans ce contexte, les carburants écologiques apparaissent comme une solution adaptée aux segments difficilement électrifiables, notamment :
- Les véhicules utilitaires lourds, pour lesquels le biométhane et l’hydrogène sont des alternatives viables à court terme.
- Le transport aérien et maritime, pour lesquels des carburants liquides avancés et neutres en carbone sont nécessaires.
- Le secteur agricole et les zones rurales, où les stations de bioGNV peuvent répondre à une logique de boucle locale d’énergie, centrée sur les déchets organiques.
Ainsi, les carburants d’origine renouvelable s’inscrivent dans un écosystème complexe aux implications technologiques, économiques et sociales majeures.
Stimuler l’innovation verte via des incitations ciblées
Au-delà des contraintes réglementaires, l’Union européenne multiplie les mécanismes incitatifs pour accélérer l’adoption des carburants alternatifs. Parmi les initiatives notables en 2024 :
- Le volet « Innovation Fund » du programme Horizon Europe, qui finance la R&D et la démonstration de nouvelles filières de production de biogaz, de gaz de synthèse et de carburants liquides bas carbone.
- Une taxation différenciée du carbone (via la révision de la directive sur la taxation de l’énergie), avec des taux privilégiés pour les carburants durables et un élargissement du système de quotas carbone (ETS) au secteur du transport routier à partir de 2027.
- Des subventions nationales alignées sur les objectifs européens : aides à l’achat de véhicules à faible émission, crédits d’impôt pour l’installation de stations de ravitaillement ou encore soutien à l’isolation énergétique des flottes logistiques.
Ces incitations encouragent une transition technologique et industrielle qui met en valeur les filières européennes de production de carburants renouvelables, en misant sur des ressources locales, souvent issues de l’économie circulaire.
Perspectives et enjeux pour les parties prenantes
La réglementation européenne en 2024 ouvre un nouveau chapitre pour les carburants écologiques. Toutefois, son efficacité dépendra en grande partie de la capacité des différents acteurs à s’approprier ces règles et à s’adapter à un environnement en évolution rapide :
- Pour les particuliers : l’enjeu sera de bénéficier de véhicules et de carburants accessibles, tout en étant informés des nouvelles aides disponibles et des infrastructures compatibles avec leur mobilité quotidienne.
- Pour les entreprises de transport : une réflexion stratégique sur le renouvellement des flottes, la maîtrise des coûts d’exploitation et la conformité environnementale devient indispensable.
- Pour les institutions locales et territoriales : accompagner la transition via des politiques d’approvisionnement énergétique, de planification urbaine et de soutien à l’innovation est désormais crucial.
Le cadre réglementaire 2024 place les carburants écologiques dans une dynamique d’essor durable. Cette transformation, soutenue par une vision européenne cohérente, pourrait faire de l’Union européenne un leader mondial des carburants alternatifs à faible empreinte carbone.